Loin des caméras inquisitrices de la télé-réalité, l’influenceuse de 25 ans a pris son courage à deux mains pour dénoncer, dans un livre glaçant, son parcours d’enfant en foyer.
Violences physiques, abus sexuels et traumatismes psychologiques émaillent son discours sans filtre.

Public. Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce livre ?
Nathanya Sion. Il y a quelque temps, à la suite de problèmes de santé, j’ai demandé mon dossier à l’Aide sociale à l’enfance. J’ai découvert que, tout au long de mes années d’errance, des personnes avaient essayé de donner l’alerte sur les mauvais traitements que je subissais, mais que rien n’avait jamais été fait pour me protéger. J’aurais pu être sauvée mille fois. À la place, j’ai subi les pires horreurs.
Tout a commencé quand vous aviez un an et demi et que votre mère s’est suicidée…
Même avant. Enceinte, ma mère a été internée, bourrée de médicaments au point que j’étais accro à ma naissance, et qu’il a fallu que je reste trois semaines à l’hôpital pour me désintoxiquer. Quand on lui a retiré ma garde, elle a perdu l’envie de vivre. Mon père étant inconnu, j’ai été confiée à ma sœur qui me voyait comme une charge et me maltraitait.
Sa violence était insidieuse. Elle m’isolait de tous, disait qu’elle était la seule à pouvoir m’aimer puis me hurlait dessus sans aucune raison. Un jour, elle m’a mise à la porte et j’ai atterri chez mon frère. J’avais 13 ans et j’ai découvert la violence physique. Il se droguait et me frappait. Encore aujourd’hui, il fait l’objet de plaintes pour agressions sexuelles.
À 15 ans, vous rencontrez un homme de six ans votre aîné. Très vite, vous vous retrouvez sous son emprise…
Contrairement à beaucoup de femmes battues, je n’ai pas connu la phase de lune de miel avec lui. Il est immédiatement devenu jaloux, possessif, intrusif. Il fallait que je sorte de classe pour répondre à ses messages ; les insultes pleuvaient, les coups aussi.
Il disait que rien ne pourrait nous séparer sauf la mort de l’un de nous. Et je savais que ce serait la mienne. Comme j’étais très souvent seule, je suis tombée dans ses filets. J’avais besoin de ce lien fort, je ne me rendais pas compte que c’était toxique. Il répétait que personne ne pouvait me faire de mal sauf lui et je trouvais ça presque romantique. Mon échelle de valeur était totalement faussée.
Un bourreau particulièrement cruel sexuellement
Nathanya Sion
Pensez-vous que les violences subies plus jeune vous ont poussée dans les bras de votre bourreau ?
Bien sûr ! Ça m’a conditionnée à accepter l’inacceptable et à faire passer mes besoins après ceux des autres.
Seule l’intervention de la police m’a permis de sortir vivante de ces neuf jours de captivité. La première fois qu’il m’a violée, c’était dans sa voiture, sur un parking de région parisienne. J’étais déjà brisée par les coups et la violence psychologique, mais cela m’a broyée.
Je suis très croyante et il savait ce que représentait la virginité pour moi. Je me suis sentie désacralisée, sale. Durant mes jours de séquestration, il s’est montré particulièrement cruel sexuellement. Les coups étaient si forts que je souhaitais mourir pour mettre un terme définitif à tout ça.
Très difficilement. J’ai longtemps souffert de problèmes intimes. J’ai même cherché de l’aide auprès d’une sexologue. Et malgré tout le travail de reconstruction que j’ai pu accomplir, je sais que je n’aurai jamais la sexualité que j’aurais pu avoir s’il ne m’avait pas fait subir tout cela.
Après cette épreuve, vous avez été placée en foyer. Saviez-vous ce qui vous y attendait ?
Pas du tout. J’ai découvert qu’une grande partie des filles, même très jeunes, se prostituaient. Dans les foyers, la faim vous tenaille du soir au matin, maintenir une hygiène de base est compliqué, la violence est cautionnée par certains éducateurs, la drogue circule…
Le système de l’Aide sociale à l’enfance est destructeur. Il est impératif que les politiques le comprennent et fassent le nécessaire pour que cela change.
À 17 ans, vous êtes repérée par les producteurs des Anges…
Je me retrouve dans leur bureau, en maillot comme ils me l’ont demandé, face aux boss de la prod et au casteur. Je leur raconte mon passé. D’un coup, l’un d’eux me lance une phrase extrêmement vulgaire. J’étais hors de moi, j’ai refusé de bosser avec eux.
Plus tard, les personnes aux manettes des Anges ont changé. Deux femmes m’ont contactée et ont joué sur la corde sensible en me disant que c’était l’opportunité de porter la parole des femmes battues, des enfants abandonnés. À 19 ans, j’ai signé sans savoir dans quoi je m’engageais…
Vous devenez vite la cible de harcèlement. Pourquoi la production ne vous a pas porté secours ?
J’y ai beaucoup réfléchi et j’en suis venue à la conclusion que ces gens-là n’attendent que ce genre de situation. Quand ils ont vu que le public aimait les filles comme Loana à l’enfance brisée et les “bâtards” à la Jean-Edouard, ils ont orienté leurs castings dans ce sens.
Ils choisissent des nanas sans père, qui ont vécu des choses terribles, les mettent face à des mecs toxiques dans l’espoir que ça réactive leurs traumas et qu’il y ait un super spectacle à regarder.
J’ai subi les pires horreurs
Nathanya Sion
Vous avez été l’une des seules candidates à dénoncer les violences sexuelles dans ce milieu. Cela vous a-t-il porté préjudice ?
Oui ! J’aurais pu encaisser l’argent plutôt qu’ouvrir ma bouche. Ça m’a coûté du travail, des partenariats, mais je ne regrette pas. On n’imagine pas l’envers du décor. C’est un milieu où il y a bien plus de drogue et d’agressions sexuelles qu’on ne le pense.
Pourtant, les jeunes sont très friands de ces programmes…
C’est comme la dark romance, ça devrait être interdit. Glorifier les relations toxiques, romantiser les pervers narcissiques, ce n’est pas normal.
Il ne faut pas mettre ça entre les mains des jeunes femmes.
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